Une douleur à ton image
Je ne pus te dessiner lorsqu'à ta vue, mes lèvres connurent le goût d'un sourire nouveau, ni le pus-je lorsqu'elles connurent le goût de tes lèvres après tant d'abstinence. Et lorsque les amants s'écrivaient, nul de ces mots qui flottaient sur ma plume, ne sut chatouiller papier.
Où va le bonheur? Ces secondes au pas si feints, marchant, légères, sur la face d'une vie trouble avant de mourir...
Il fallut que vienne l'instant où tu as semé, sur mon cœur, la fine pulvérulence de la défaite et ce même instant vit ces innombrables mots que j'eusse, tant, voulu t'écrire, pleuvoir sur les papiers, et les incomparables tableaux naître de bouts de rien... Et quand je te vis t'en émouvoir, pleurer, sourire, faire mondes et centaines de jaloux... je sus trouver, à ma douleur, un enivrant goût aigre-doux...
Tu es parti. J'ai sombré, comptant les jours sans fin et qu'est-ce qu'ils sont devenus nombreux, creusant le puits de ma défaite et, de ses fin fonds, me vint savoir que de ma joie ne découlait l'art de créer. J'ouvris, enfin, les yeux...
J'ai bu, arroser une nouvelle insouciance, à l'ivresse... mais, à l'ivresse, je fus plus ivre de toi que d'eau de vie. Je voulu te posséder, te briser et décorer ma vie de tes morceaux tant je t'aimai, tant je t'abhorre... et il me fallait empoisonner tes nuits...
J'ai constellé ton ciel de mes traces et je me suis gorgé, subjugué, de cette nouvelle douleur qui avait germé en toi, de cette souffrance que tu ne comprenais, de cette accablante peine que tu déguisais si maladroitement... mais, au seuil de la satiété, je revu ma soif et comme ma soif te ressemblait...
J'ai connu tout ce que tu fus et tout ce que tu es, nulle couleur me fuyant, ni, masque ou visage, ai-je manqué... J'ai connu ta peau encore jeune, je l'ai vue vieillir, sentir les plus beaux parfums et suer. J'ai sondé tes doutes et tes secrets comme j'ai sondé, même si je ne sus les ordonner, les plus troubles de tes pensées... et comment aurais-je pu là où tu ne fis qu'échouer?...
Je me suis gorgé de ta douleur qui rongeait. Elle était, désormais, en moi. J'étais en toi et par tes yeux qui n'avaient jamais su voir je vis ce mal qui t'est éponyme... tes yeux se fermèrent, à sa vue, et je suis resté dans l'obscur de ta tête pandémonium... me balançant entre la soif et la satiété, bercé par l'ennui...